Œuvres de Gabriel Tarde, volume I
Collection Les empêcheurs de penser en rond
Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance, 1999
Première publication :
1893, sous le titre Les Monades et la Science Sociale
dans la Revue Internationale de Sociologie
Théories vitalistes,
faisant référence à Leibniz et à
Schopenhauer,
et ayant influencé Bergson,
puis Foucault et
Deleuze.
Quelques intuitions prémonitoires.
À part ça, peu démonstratif, ni très convaincant.
Cité par Latour et par
Sonigo
(pour des idées qui prédatent le gène égoïste de
Dawkins ?).
p. 11
Selon la formule définitive de Tarde, exister c'est différer, et c'est de là qu'il faut partir.
p. 18
La révolution copernicienne se confond chez Leibniz avec l'établissement d'un animisme universel tel qu'« il y a plus d'âmes que de grains de sable ou d'atomes » : pas seulement du vivant partout, mais des âmes partout dans la matière.
pp. 23-24, dont note 1, p. 24
On ne comprendra donc l'« individualisme » de Tarde que par son « sociologisme » en ce qu'il engage une constitution collective matérielle ou matérialiste des « individus ». C'est très exactement ce que signifie la « psychologie sociale » ou « psychologie collective » appelée de ses vœux par Tarde (qu'il préfère appeler inter-spirituelle pour se démarquer de Durkheim : « L'expression psychologie collective ou psychologie sociale est souvent comprise en un sens chimérique qu'il importe avant tout d'écarter. Il consiste à concevoir un esprit collectif, une conscience sociale, un nous, qui existerait en dehors ou au-dessus des esprits individuels... »).
pp. 34-35
Les fondateurs de la théorie cellulaire se sont montrés les continuateurs de Newton. Ils ont brisé de même l'unité du corps vivant, ils ont résolu en un nombre prodigieux d'organismes élémentaires, isolément égoïstes et avides de se développer aux dépens de l'extérieur [...]
p. 58
Il est remarquable que la science tend [...] à généraliser étrangement la notion de société. [...] Toutes les sciences semblent destinées à devenir des branches de la sociologie.
p. 60
Allons tout droit à l'objection la plus spécieuse qu'on ait faite à cette assimilation des organismes, et a fortiori des êtres physiques aux sociétés. Le contraste le plus frappant entre les nations et les corps vivants, c'est que les corps vivants ont des contours bien définis et symétriques tandis que les frontières des nations ou l'enceinte des cités se dessine sur le sol avec une irrégularité capricieuse où l'absence de tout plan tracé d'avance se fait sentir.
p. 71
Nous avons un penchant inexplicable à imaginer homogène tout ce que nous ignorons.
p. 105
Que de chemin « les monades, filles de Leibniz, ont fait [...] depuis leur père » ... car dans la sociologie psychologique, le dynamisme des forces est absolument immanent ; il nie la transcendance (l'« harmonie ») [...]
note 2, p. 134
Aussi loin que l'on mènera l'analyse, une fois affirmé le concept de force, on ne rencontrera jamais la vie nue, mais une vie qui est toujours déjà relation de pouvoir.
p. 136
On relèvera que Bakhtine porte une critique contre Saussure du même ordre que celle de Tarde à l'égard de Durkheim : il voit à l'œuvre dans le rapport entre « langue » et « parole » la méthode de l'« objectivisme abstrait » [...] La langue s'oppose à la parole exactement comme le social à l'individuel dans la théorie durkheimienne.
p. 137
La méthode sociologique de Durkheim expulse la singularité et l'autonomie du fait social. Il faudra attendre la critique du structuralisme par Foucault et par Deleuze-Guattari pour redécouvrir les intuitions tardiennes.