Le hasard et la nécessité


Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne
Jacques Monod, 1970
Éditions du Seuil, Points, Essais

Une critique pertinente du marxisme, entre autres, opposant à celui-ci une théorie qui souffre du même mal (mieux diagnostiqué à mon avis par Popper, cité sans être assimilé): elle suppose l'existence d'une vérité universelle (objectivisme empirique).

Notes

Préface

p. 11
[...] il faut reconnaître à la biologie une place centrale puisqu'elle est, de toutes les disciplines, celle qui tente d'aller le plus directement au coeur des problèmes qu'il faut avoir résolus avant de pouvoir seulement poser celui de la « nature humaine » en termes autres que métaphysiques.

p 29

[Trois propriétés caractérisent le vivant]: téléonomie, morphogénèse autonome, invariance reproductive.

p 37-38

La pierre angulaire de la méthode scientifique est le postulat de l'objectivité de la Nature. C'est-à-dire le refus systématique de considérer comme pouvant conduire à une connaissance «vraie» toute interprétation des phénomènes donnée en termes de causes finales, c'est-à-dire de «projet».

[...] Postulat pur, à jamais indémontrable, car il est évidemment impossible d'imaginer une expérience qui pourrait prouver la non-existence d'un projet, d'un but poursuivi où que ce soit dans la nature.

p 41

La relation de priorité entre invariance et téléonomie: dilemme fondamental.

p 43

Un premier groupe de théories [admettent] un principe téléonomique qui est expressément supposé n'opérer qu'au sein de la biosphère [...] Ces théories que j'appelerai vitalistes, impliquent donc une distinction radicale entre les êtres vivants et l'univers inanimé.

On peut grouper d'autre part les conceptions qui font appel à un principe téléonomique universel [...] Ces théories voient dans les êtres vivants les produits les plus élaborés, les plus parfaits, d'une évolution universellement orientée qui a abouti, parce qu'elle devait y aboutir, à l'homme et à l'humanité. [J'appelerai ces conceptions] «animistes» [...]

p 63

Toutes les religions, presque toutes les philosophies, une partie même de la science, témoignent de l'inlassable, héroïque effort de l'humanité niant désespérément sa propre contingence.

p 144-145

Le mécanisme de la traduction est strictement irréversible. [...] Il est foncièrement cartésien et non pas hégélien: la cellule est bien une machine.

p 152

Pour la théorie moderne l'évolution n'est nullement une propriété des êtres vivants puisqu'elle a sa racine dans les imperfections mêmes du mécanisme conservateur qui lui, constitue bien leur privilège.

p 160

Le second principe, ne formulant qu'une prédiction statistique, n'exclut pas, bien entendu, qu'un système macroscopique quelconque ne puisse, dans un mouvement de très faible amplitude et pour une durée très courte, remonter la pente de l'entropie, c'est-à-dire en quelque sorte remonter le temps. Chez les êtres vivants, ce sont précisément ces seuls et fugitifs mouvements qui, captés et reproduits par le mécanisme réplicatif, ont été retenus par la sélection.

p 162

Il est bien remarquable de trouver, à la base d'un des phénomènes d'adaptation moléculaire les plus exquisement précis que l'on connaisse [les anti-corps], une source au hasard. Mais il est clair (a posteriori) que seule une telle source pouvait être assez riche pour offrir à l'organisme des moyens de défense en quelque sorte «tous azimuts».

p 220

Dans un système objectif, toute confusion entre connaissance et valeurs est interdite. Mais [...] cet interdit [...] n'est pas lui-même et ne saurait être objectif: c'est une règle morale, une discipline. [...] Accepter le postulat d'objectivité, c'est donc énoncer la proposition de base d'une éthique: l'éthique de la connaissance.

p 224

Le seul espoir du socialisme n'est pas dans une «révision» de l'idéologie qui le domine depuis plus d'un siècle, mais dans l'abandon total de cette idéologie.

[...] C'est peut-être une utopie.

Appendices

  1. Structure des protéines
  2. Acides nucléiques
  3. Le code génétique
  4. Sur la signification du deuxième principe de la thermodynamique.
L'ordre d'un système est égal à la quantité d'information nécessaire à la description de ce système.

[...Il est] légitime de considérer que l'un des énoncés fondamentaux de la théorie de l'information, à savoir que la transmission d'un message s'accompagne nécessairement d'une certaine dissipation de l'information qu'il contient, est l'équivalent, en informatique, du deuxième principe de la thermodynamique.


Humilité et responsabilité, quantité d'information, ni Dieu ni gène, l'évolution, l'origine des individus,
Philo ToC
Marc Girod
Last modified: Tue Jan 7 11:01:03 EET 2003