Emmanuel Kant, 1781 (1e édition) / 1787 (2e)
Traduction française de A. Tremesaygues et B. Pacaud
Préface de Ch. Serrus
Quadrige/PUF, 1944/2001
p. 35
Il est une chose beaucoup plus significative [...], c'est que certaines connaissances sortent même du champ de toutes les expériences possibles [...]
Ces inévitables problèmes de toute la raison pure elle-même sont Dieu, la liberté et l'immortalité, et la science qui, avec tous ses procédés, n'a proprement pour but que la solution de ces problèmes, se nomme la Métaphysique.
p. 36
La Mathématique nous montre, — et elle nous en offre un éclatant exemple —, combien nous pouvons aller loin, indépendamment de l'expérience, dans la connaissance a priori.
§1, p. 54
[S]i la matière de tout phénomène ne nous est donnée, il est vrai qu'a posteriori, il faut que sa forme se trouve a priori dans l'esprit toute prête à s'appliquer à tous, il faut par conséquent, qu'elle puisse être considérée indépendamment de toute sensation.
Première section : Du principe suprême de tous les jugements analytiques
Deuxième section : Du principe suprême de tous les jugements synthétiques
Troisième section :
Représentation systématique de tous les pincipes synthétiques
de l'entendement pur
1° Des axiomes de l'intuition
2° Les anticipations de la perception
3° Les analogies de l'expérience
A. Première analogie :
Principe de la permanence
B. Deuxième analogie :
Principe de la production, p. 182
[deuxième édition :
Tous les changements se produisent
suivant la loi de la liaison de la cause à l'effet]
C. Troisième analogie :
Principe de la communauté
4° Les postulats de la pensée empirique en général, p. 200
possibilité, réalité, nécessité
Réfutation de l'idéalisme pp. 205-206
L'idéalisme (j'entends l'idéalisme matériel) est la théorie qui déclare l'existence des objets dans l'espace et hors de nous ou simplement douteuse et indémontrable ou fausse et impossible ; la première doctrine est l'idéalisme problématique de DESCARTES [...] ; la seconde est l'idéalisme dogmatique de BERKELEY [...] L'idéalisme dogmatique est inévitable si l'on regarde l'espace comme une propriété qui doit appartenir aux choses elles-mêmes [...] Mais nous avons démoli le principe de cet idéalisme dans l'Esthétique transcendantale. L'idéalisme problématique [...] est rationnel et conforme à une manière de penser solide et philosophique qui ne permet aucun jugement décisif avant qu'une preuve suffisante ait été trouvée. La preuve exigée doit donc montrer que nous avons des choses extérieures non pas seulement l'imagination, mais encore l'expérience ; et c'est là ce qu'on ne peut faire qu'en démontrant que notre expérience interne, indubitable pour DESCARTES, n'est possible elle-même que sous la supposition de l'expérience extérieure.[Heidegger]THÉORÈME
La conscience simple, mais empiriquement déterminée, de ma propre existence, prouve l'existence des objets dans l'espace et hors de moi.Preuve (modifiée selon les indications de Kant dans la préface de la seconde édition)
J'ai conscience de mon existence comme déterminée dans le temps. Toute détermination de temps suppose quelque chose de permanent dans la perception. Or, ce permanent ne peut pas être une intuition en moi ; car, tous les principes de détermination de mon existence, qui peuvent être trouvés en moi, sont des représentations et ont besoin précisément, en tant que telles, de quelque chose de permanent qui soit distinct de ces représentations et par rapport à quoi leur changement, — et, par conséquent mon existence dans le temps où elles changent, — puisse être déterminé. Or, la conscience dans le temps est liée nécessairement à la conscience de la possibilité de cette détermination de temps. Elle est donc liée nécessairement aussi à l'existence des choses hors de moi, comme à la condition de la détermination de temps ; c'est-à-dire que la conscience de ma propre existence est en même temps une conscience immédiate de l'existence d'autres choses hors de moi.
Nous appellerons immanents les principes dont l'application se tient absolument dans les bornes de l'expérience possible, et transcendants ceux qui sortent de ces limites.
Platon se servit du mot idée de telle sorte qu'on voit bien qu'il entendait par là quelque chose, qui non seulement ne dérive jamais des sens, mais qui même dépasse de beaucoup les concepts de l'entendement, dont s'est occupé Aristote, puisque jamais il n'est rien trouvé, dans l'expérience, qui corresponde à ce concept. Les idées sont pour lui des archétypes des choses elles-mêmes et non pas simplement des clefs pour des expériences possibles, comme les catégories.
Première section : Système des idées cosmologiques
Deuxième section : Antithétique de la raison pure
[Preuves des antithèses plus longues que celles des thèses]
Remarque sur la troisième antinomie
I. - Sur la thèse
L'idée transcendantale de la liberté [...] est cependant la vraie pierre d'achoppement de la philosophie qui trouve des difficultés insurmontables à admettre cette espèce de causalité inconditionnée.
Troisième section : De l'intérêt de la raison dans ce conflit avec elle-même, p. 358
Ces assertions dialectiques sont autant de tentatives faites pour résoudre quatre problèmes naturels et inévitables de la raison ; il ne peut y en avoir ni plus ni moins, parce qu'il n'y a pas un plus grand nombre de séries de suppositions synthétiques qui limitent a priori la synthèse empirique.
Il n'y a donc, par la raison spéculative, que trois preuves possibles de l'existence de Dieu.
Quatrième section : De l'impossibilité d'une preuve ontologique de l'existence de Dieu
Cinquième section : De l'impossibilité d'une preuve cosmologique de l'existence de Dieu
Sixième section : De l'impossibilité de la preuve physico-théologique
Appendice à la dialectique transcendale
De l'usage régulateur des idées de la Raison pure, p. 457
[On ne voit pas] comment un principe logique de l'unité rationnelle des règles pourrait avoir lieu, si l'on ne supposait un principe transcendantal au moyen duquel une unité systématique de ce genre, en tant qu'inhérente aux objets eux-mêmes, est admise a priori comme nécessaire.[transcendantal mais immanent, non pas transcendant]
Du but de la dialectique naturelle de la raison humaine, p. 469
Or, rien ne nous empêche d'admettre, aussi ces idées comme objectives et comme hypostatiques [...] Toutefois il ne suffit pas pour admettre quelque chose, de n'y trouver aucun obstacle positif [...] Nous ne devons donc pas les admettre en eux-mêmes, mais seulement leur attribuer la réalité d'un schème qui sert de principe régulateur [...]
[La mathématique] ramène tous ses concepts à des intuitions qu'elle peut donner a priori et [...] se rend par là, pour ainsi dire, maîtresse de la nature, tandis que la philosophie pure, avec des concepts discursifs a priori, divague sur la nature sans pouvoir rendre intuitive a priori leur réalité, ce qu'il faudrait pour les rendre croyables,
[U]n concept empirique ne peut pas du tout être défini, mais simplement expliqué. [...On] ne peut même, pour parler exactement, définir aucun concept donné a priori. [...] D'où il suit :
a) Qu'en philosophie on ne doit pas imiter la mathématique en commençant par les définitions, à moins que ce soit qu'à titre de simple essai. [...]
b) Les définitions mathématiques ne peuvent jamais être fausses.
[Le célèbre David Hume] s'arrêta [...] au principe de causalité et remarqua fort justement [note 58] que la vérité de ce principe [...] ne repose sur aucune connaissance claire [...]
58. Il est impossible, remarque Wille, que Kant donne ici son approbation aux réflexions de Hume qu'il réfute plus haut et contre lesquelles on peut dire que toute la Critique est dirigée. Aussi propose-t-il de lire au lieu de ganz richtig soit ganz unrichtig soit gar nicht ganz richtig,
p. 521
L'expérience est elle-même une synthèse de perceptions qui augmente, par d'autres perceptions qu'elle y ajoute, le concept que j'ai déjà eu au moyen d'une perception. Mais nous croyons aussi pouvoir sortir a priori de notre concept et étendre notre connaissance. [...] Notre sceptique [Hume] ne distingua pas ces deux sortes de jugement [...]
Tout intérêt de ma raison (spéculatif aussi bien que pratique) est contenu dans ces trois questions :
1. Que puis-je savoir ?
2. Que dois-je faire ?
3. Que m'est-il permis d'espérer ?
Par architectonique j'entends l'art des systèmes. [...] L'unité du but auquel se rapportent toutes les parties, en même temps qu'elles se rapportent les unes aux autres dans l'idée de ce but, fait qu'aucune partie ne peut faire défaut sans qu'on en remarque l'absence, quand on connait les autres, et qu'aucune addition accidentelle, ni aucune grandeur indéterminée de la perfection, qui n'ait pas ses limites déterminées a priori, ne peuvent trouver place. Le tout est donc un système organique (articulatio) et non un ensemble désordonné (coacervatio) ; il peut, à la vérité, croître par le dedans (per intussusceptionem), mais non par le dehors (per appositionem), semblable au corps de l'animal [...] Ce que nous appelons science ne peut pas se fonder techniquement [...]
p. 567
[La métaphysique] cette science qui est tombée dans le discrédit général, parce qu'on en attendait d'abord plus qu'on ne pouvait équitablement lui demander [...]