Lionel Stoleru
Mercredi 24 septembre
Le dossier des retraites [...] a été remarquablement piloté par François Fillon : capitalisant l'acquis de douze années de réflexion depuis le Livre Blanc de Michel Rocard, emmenant les syndicats avec lui dans tous les pays d'Europe pour s'informer des solutions retenues, faisant preuve d'une infinie patience aussi bien auprès des syndicats qu'au Parlement, il parvint à une solution acceptable par les syndicats réformistes et que la gauche, comme l'ont écrit certains de ses responsables, n'aurait pas reniée si elle avait été au pouvoir.
Cependant, cette réforme est perçue moins comme un succès politique que comme un échec social : la France d'en haut a, par sa majorité, imposé à la France d'en bas un système dont elle ne voulait pas et ne veut toujours pas.
Si l'on y réfléchit d'un peu plus près, on y trouve le symétrique parfait de la réforme des 35 heures. Là aussi, le dossier traînait depuis quinze ans. Là aussi, on avait dit que la problème devrait se régler par la concertation en invitant les partenaires sociaux à négocier la durée du travail. Là aussi, les années se suivaient sans que rien ne se passât. Là aussi, le gouvernement avait fini par légiférer après une concertation sans résultat.
Là aussi, la réforme n'était pas aussi mauvaise qu'on le dit : outre la nouvelle dimension qu'elle donna aux loisirs, elle fit baisser le chômage de près de 500000 personnes, ce qu'aucun gouvernement n'avait été capable de faire, ni avant ni après. Elle n'en demeure pas moins une réforme non digérée par le corps social.
[...] Le chef de l'État exhorte le 14 juillet au « dialogue social » et c'est là qu'à mon avis il fait fausse route. Le dialogue social existe en France et il ne s'y porte pas plus mal qu'ailleurs. La France n'a pas besoin de dialogue social, elle a besoin de brassage social. La France d'en bas n'a pas besoin de parler à la France d'en haut, elle a besoin d'y trouver sa place, d'y prendre place. Quel ascenseur social l'y amènera ?