Le Monde 30 avril
par Gérard Courtois
Chiffres, analyse selon le critère : système / antisystème.
Le 21 avril, on comptait 41 196 339 d'électeurs inscrits. Or il s'en est trouvé nettement moins de la moitié (45,7 %) pour apporter leur voix à l'un des dix candidats que l'on pourrait qualifier de « gouvernement », susceptible de présider demain aux destinées du pays ou de participer à sa gestion (MM. Chirac, Bayrou et Madelin, Mmes Boutin et Lepage pour la droite ; MM. Jospin, Mamère, Hue, Chevènement et Mme Taubira pour la gauche). Pour la première fois sous la Ve République, une majorité du corps électoral a donc préféré s'abstenir, voter blanc ou soutenir des candidats de protestation ou de rupture. Pour la première fois, si l'on ose dire, la démocratie française est minoritaire. En 1981, près de trois électeurs sur quatre (73 % des inscrits) avaient voté pour les candidats de gouvernement, de gauche ou de droite ; en 1988 et en 1995, le pourcentage était tombé à 61 %, mais restait nettement majoritaire. Il ne l'est plus. Si l'on ajoute que 8 % environ des Français en âge de voter ne sont pas inscrits sur les listes, la dissidence électorale touche donc trois Français sur cinq ! Même par rapport aux suffrages exprimés, le vote en faveur de l'ensemble des candidats de gouvernement dégringole de 93 % en 1981 à 80 % en 1995 et 66 % en 2002.
55 % des ouvriers et 43 % des employés, de même que 52 % des chômeurs, ont voté pour les candidats de l'extrême gauche, de l'extrême droite ou des chasseurs, contre seulement 18 % des cadres et professions libérales et 33 % des professions intermédiaires.
Dans les milieux « modestes », 41 % des électeurs ont voté pour les candidats protestataires ou « antisystème », alors qu'on n'en compte que 20 % dans les milieux à revenu « élevé ». Le même écart sépare les électeurs diplômés de l'enseignement supérieur (21 % ont choisi un candidat protestataire) de ceux qui ont un diplôme inférieur au baccalauréat (43 %). Quant à l'abstention, elle touche deux fois plus les revenus modestes (33 %) que les revenus élevés (16 %), tandis que 24 % des revenus moyens ont boudé les urnes.