Plutôt que d’une cure d’austérité, l’Europe a besoin d’une cure d’investissement
Chronique de Thomas Piketty,
samedi 14 mars 2025
À écouter les cercles dirigeants,
il faudrait couper dans les dépenses sociales
pour se lancer dans une course-poursuite
avec Donald Trump et Vladimir Poutine sur les dépenses militaires.
Tout est faux dans ce diagnostic.
Au cours des quinze dernières années,
l’excédent annuel moyen atteint les 2 %
du produit intérieur brut (PIB) en Europe, du jamais-vu depuis plus d’un siècle.
L’Europe a déjà dépassé les Etats-Unis sur le plan de la santé,
avec un écart d’espérance de vie qui ne cesse de se creuser
au bénéfice de la première
[80,6 ans en moyenne dans l’Union européenne et 77,4 ans aux Etats-Unis, en 2022].
Tout cela en dépensant à peine plus de 10 % du PIB
pour la santé du continent, alors que les Etats-Unis avoisinent les 18 %,
preuve s’il en est de l’inefficacité du secteur privé
et des surcoûts qu’il génère, n’en déplaise à Elon Musk et à ses brigades.
Si cela s’avère indispensable,
l’Europe pourrait aussi augmenter ses dépenses militaires.
Encore faut-il apporter la preuve de cette nécessité.
Les pays européens préparent leurs vieux jours
en accumulant des tonnes d’épargne dans le reste du monde.
Il serait pourtant plus utile de dépenser ces sommes en Europe
pour permettre aux jeunes générations de se projeter dans l’avenir.
Le principal facteur est d’abord politique et institutionnel.
Il n’existe aucun cadre démocratique où les citoyens européens
pourraient décider collectivement de la meilleure façon
d’utiliser les richesses qu’ils produisent.
Article,
Le Monde, 2025