« On ne pourra sauver l’environnement sans les agriculteurs, et réciproquement »
Marc-André Selosse, tribune du 1er février 2024
Il est alarmant de voir la crise agricole actuelle
accentuer la fracture entre pensée écologique et agriculture.
Notre agriculture va dans le mur, financier, écologique et sanitaire.
Les pratiques actuelles détruisent les supports écosystémiques
de l’agriculture. Le labour trop fréquent décuple l’érosion
et détruit la vie microbienne qui fertilise les sols,
les faisant littéralement fondre. En trente ans,
les pesticides ont éliminé 80 % des insectes,
et en quinze ans ils ont tué 30 % des oiseaux :
on voit s’effondrer la pollinisation par les insectes,
qui donne graines et fruits, et disparaître la régulation
des insectes indésirables par les oiseaux.
Nous compensons par des engrais minéraux et des pesticides,
au prix d’une catastrophe sanitaire.
Les phosphates des engrais minéraux sont contaminés par du cadmium,
toxique et cancérigène, qui se retrouve dans nos aliments :
les Français avalent 1,4 fois la dose maximale recommandée
par l’OMS ! Les résidus de pesticides intoxiquent
les eaux potables et empoisonnent les agriculteurs eux-mêmes,
qui présentent des surcroîts de cancers (+ 20 %
de myélomes et + 50 % de lymphomes,
selon l’étude Agrican) ou de maladies de Parkinson et d’Alzheimer.
Oui, les agriculteurs sont les premières victimes, pas seulement financières…
Le fossé qui la sépare des pratiques agricoles augmente et promet,
à terme, un atterrissage encore plus violent.
Article,
2024, Le Monde