La grande évasion fiscale des multinationales continue
Marie Charrel, dimanche 22 octobre 2023
Plus de 1 000 milliards de dollars.
Cette somme, calculée par l’Observatoire européen de la fiscalité,
correspond aux profits transférés par des grandes entreprises
dans des paradis fiscaux sur la seule année 2022.
L’évasion fiscale offshore des particuliers fortunés
– à savoir les dépôts bancaires,
actions et autres titres financiers
détenus à l’étranger et non déclarés – a nettement chuté,
grâce à l’échange automatique d’informations bancaires instauré,
en 2017, dans une centaine de pays.
Dans le détail,
la richesse offshore est estimée à 12 000 milliards de dollars en 2022,
soit 12 % du PIB mondial.
Aujourd’hui,
le quart de cette richesse n’est pas déclaré aux autorités fiscales
– et donc, échappent aux impôts –, contre plus de 90 % en 2007.
En 2022, les bénéfices mondiaux des entreprises
s’élevaient à 16 000 milliards de dollars environ,
dont 2 800 milliards de dollars réalisés à l’étranger,
c’est-à-dire dans un pays autre que celui du siège social de l’entreprise
– comme les profits enregistrés par Apple hors des Etats-Unis.
Or, sur ces 2 800 milliards,
1 000 milliards ont été transférés vers des paradis fiscaux,
soit 35 % des profits réalisés à l’étranger.
Leur destination privilégiée : l’Irlande, les Pays-Bas
ou les îles Vierges et les îles Caïmans.
En 2021, plus de cent quarante pays se sont entendus
pour instaurer un impôt minimum de 15 % sur les sociétés,
sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE). Célébré comme une victoire, cet accord,
qui doit entrer en vigueur en 2024,
devait justement mettre un terme à la course au moins-disant fiscal.
Seulement voilà :
« depuis, il a été considérablement vidé de sa substance
par une série de niches et d’exonérations »,
déplore Gabriel Zucman.
En l’état actuel, il devrait augmenter de 4,8 % seulement
les recettes totales de l’impôt sur les sociétés, au lieu de 9,5 %.
Le rapport dénonce enfin le « très mauvais »
en matière fiscale :
les milliardaires ne paient quasiment pas d’impôts
– 0 % à 0,5 % – sur leur patrimoine.
Ce, grâce aux diverses techniques d’optimisation permettant d’éviter
que les revenus qu’ils génèrent, comme les dividendes, ne soient imposables.
Tous impôts confondus, ils sont donc moins imposés que les classes moyennes.
Taxer 2 % de la richesse des 2 756 milliardaires de la planète
(dont 75 en France),
dont la fortune totale culmine à 13 000 milliards de dollars,
rapporterait 250 milliards d’euros, estiment les économistes.
Article,
Global Tax Evasion Report 2024,
2023, Le Monde