La Palestine, une terre deux fois promise

Israël-Palestine, la guerre sans fin (1/5)
Benjamin Barthe, lundi 7 janvier 2024
En appuyant, en 1917, la revendication d’un foyer national juif en Palestine, le Britannique Lord Balfour choisit le sionisme, un mouvement né en réaction contre l’antisémitisme européen, ignorant les aspirations à l’indépendance des Arabes, en lutte contre l’Empire ottoman.
Entre 1881 et 1890, 10 000 migrants fondent des colonies agricoles, le long de la plaine côtière et dans les collines de Galilée. Ces pionniers, soutenus par des philanthropes juifs, s’ajoutent aux quelque 25 000 juifs palestiniens vivant depuis des siècles entre Jérusalem, Tibériade, Safed et Hébron. Mais la présence juive en Palestine reste faible et le choix de l’alya marginal : deux millions de personnes en tout fuiront les persécutions tsaristes entre 1880 et 1914. Les trois quarts partiront pour l’Amérique du Nord.
La publication, en 1896, de L’Etat des juifs, le manifeste de Theodor Herzl (1860-1904), apporte un second souffle au sionisme. Le grand bourgeois viennois, fervent assimilationniste jusque-là, s’est converti à cette idéologie après avoir couvert, à Paris, le premier procès du capitaine Alfred Dreyfus et son infamante dégradation publique dans la cour de l’Ecole militaire, le 5 janvier 1895.
La sécession des provinces arabes de l’Empire ottoman, symbolisée par la prise d’Aqaba, en juillet 1917, par Lawrence d’Arabie et les forces de l’émir Fayçal, accélère le cours de l’histoire.
Le 31 octobre 1917, le cabinet de guerre britannique appuie la fameuse déclaration Balfour, adressée à Sir Walter Rothschild, un ancien député conservateur.
« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour les juifs et fera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte soit aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, soit aux droits et au statut politique dont les juifs disposent dans tout autre pays. »
[Les Palestiniens], réduits au rang de « collectivités non juives », alors qu’ils forment l’écrasante majorité de la population, ne sont pas dupes. « Le sionisme est le danger qui guette notre patrie. Il annonce notre exil et notre expulsion de nos demeures et de nos propriétés », prédit le réformiste Suleiman Al-Farouqi. « Une nation a solennellement promis à une deuxième le territoire d’une troisième », résumera l’écrivain juif d’origine hongroise Arthur Koestler.
Ce faisant, le Royaume-Uni a bafoué deux engagements : la promesse faite, en 1915, au chérif Hussein de La Mecque, le père de Fayçal, d’ériger un grand royaume arabe dans le « Bilad El-Cham », le Levant ; et l’accord Sykes-Picot, scellé l’année suivante, un plan anglo-français de partage du Proche-Orient, qui prévoyait l’internationalisation de la Palestine.
En 1922, c’est à eux seuls que la Société des nations confie le mandat sur ce pays.
Sous le regard longtemps bienveillant des officiers de Sa Majesté, le nombre de juifs en Palestine passe de 80 000, au début des années 1920, à plus de 600 000 en 1948, date de la création d’Israël. Soit de 12 % à 32 % de la population totale du pays.
[En 1933], l’Organisation sioniste mondiale signe avec le gouvernement nazi l’accord dit « Haavara » (« transfert »), qui permet aux juifs allemands rejoignant la Palestine d’y récupérer une partie de leur capital, sous forme de produits exportés par le Reich.

Israël-Palestine, la guerre sans fin,
2024, Le Monde,
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Seven Pillars of Wisdom