« Aujourd'hui, la vérité est atomisée »
Propos de Maurizio Ferraris, recueillis par Catherine Portevin,
samedi 30 décembre 2017
Dès 2006, dans T'es où ? Ontologie du téléphone mobile
(Albin Michel), il a su voir dans cet outil une immense
« machine à écrire » quand tous prédisaient
une explosion de l'oralité.
Toute société est fondée sur des documents :
les choses, les croyances partagées, les identités sociales,
l'argent, les mariages, les guerres, les échanges,
tous ces objets sociaux existent par l'inscription et l'enregistrement.
Mais le document était généralement rare et déterminé :
un livre n'est pas un contrat,
un contrat n'est pas une carte d'identité ;
on garde le premier dans une bibliothèque,
le deuxième dans des archives, la troisième dans son portefeuille.
À présent, chacune de nos navigations sur le Web
et de nos communications quotidiennes, chacun de nos mouvements,
produit une trace enregistrée, et de façon presque inconsciente,
inavertie, incontrôlable.
Augustin se pose cette question : à quoi sert-il
que je me confesse à Dieu puisqu'il sait déjà tout de moi,
et mieux que moi-même ? Il répond :
« Je veux faire la vérité, dans mon cœur,
devant toi, par la confession, mais aussi dans mon livre,
devant de nombreux témoins. »
Le Monde
Marc Girod