suivi de l'amour la poésie
Paul Éluard, 1926, 1929
NRF Poésie/Gallimard (folioplus classiques)
Nul, p. 30 (24)
Elle dit l'avenir. Et je suis chargé de le vérifier.
Sans musique, p. 35 (30)
Les muets sont des menteurs, parle.
La grande maison inhabitable, p. 37 (32)
Elle imagine que l'horizon a pour elle dénoué sa ceinture.
Les armes du sommeil ont creusé dans la nuit
Les sillons merveilleux qui séparent nos têtes.
À travers le diamant, toute médaille est fausse,
Sous le ciel éclatant, la terre est invisible.Le visage du cœur a perdu ses couleurs
Et le soleil nous cherche et la neige est aveugle
Si nous l'abandonnons, l'horizon a des ailes
Et nos regards au loin dissipent les erreurs.
p. 139 (134)
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleursParfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
VII, p. 153
La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendreLes fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
À la croire toute nue.Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
VI, p. 208
Le hibou le corbeau le vautour
Je ne crois pas aux autres oiseaux
La plus lourde route s'est pendue
Toutes les tours à paysage au jeu des astres
Les ombres mal placées ravagées émiettées
Les arbres du soleil ont une écorce de fumée.
XII, p. 215
Passage où la vue détourne d'un coup la pensée
Une ombre s'agrandit cherche son univers
Et tombe horizontalement
Dans le sens de la marcheLa verdure carresse les épaules de la rue
Le soir verse du feu dans des verres de couleur
Comme à la fête
Un éventail d'alcool.Suspendue par la bouche aux délires livides
Une tête délicieuse et ses voeux ses conquètes
Une bouche éclatante
Obstinée et toujours à son premier baiser.Passage où la vie est visible.