Paresse pour tous
Hadrien Klent
Le Tripode, 2021
- Émilien Long, auteur, Prix Nobel d'économie,
candidat à la présidence de la République
- Augustine et Pierre, ses enfants, Christine, son ex-épouse
- Johanna Serpette, directrice de labo au CNRS, directrice de campagne
- Rémi Lachemise, ami d'études, entrepreneur, conseiller spécial
- Alphonse Burnous, étudiant, YouTubeur, conseiller com'
- Éva Durant, éditrice, chargée de la culture
- Marguerite Dupont, informaticienne, responsable du pôle numérique
- Souleymane Coly, poéte, diplomate, chargé des relations internationales
- Le Baron, agriculteur, conseiller aux questions rurales
- Nasser Belkeca, patron de PME de transport, chef de cabinet
- Élisabeth Crayeville, première ministre, candidate
- Philippe Martin, présentateur à France 2
- Nadia Ben Arfa, journaliste débutante au Monde
- Ange Lecciato, ami de Sormiou, sans profession
5 octobre 2020, J − 552
p. 57
Pourquoi pas en effet lancer une candidature qui ne soit pas
celle d'un type, d'un mec comme moi,
mais qui soit celle de cette vision-là de la société.
Une société qui refuse le productivisme,
qui refuse la destruction de la nature,
qui refuse la fuite en avant.
Une société où les gens peuvent respirer,
dans tous les sens du terme :
respirer un meilleur air, un air moins chaud, moins pollué,
et respirer parce qu'ils ont du temps en dehors du travail,
pour vivre.
En tous cas, si un candidat avait ça comme programme,
sans hésiter je m'engagerais à ses côtés !
15 octobre 2020, J − 542
pp. 68-69
Oui, il est économiquement viable d'avoir des journées
de trois heures de travail,
si on prend la peine de taxer les heures supplémentaires,
et évidemment les revenus du capital,
et les multinationales du numérique dont l'activité immatérielle,
sur le territoire français, est immense,
mais dont les astuces fiscales empêchent le fisc français
de leur appliquer l'impôt légitime ;
si on limite les écarts de salaire dans un ratio de un à quatre [...].
Pour ça, rien de mieux qu'une société coopérative,
où les salariés sont en réalité leurs propres patrons.
Et puis finis les bullshit jobs, ces boulots inutiles
qui gonflent articificiellement le PIB
mais réellement le déficit de la sécu [...] ;
finie la congestion des villes [...].
Sans compter : la hausse du bénévolat
et de la pratique sportive ; la baisse de la consommation
d'antidépresseurs et du taux de suicide ;
le développement de l'agricuture vivrière [...],
soit une amélioration globable de la santé
de la société. Bref : une France apaisée, salubre, sereine,
produisant moins de biens inutiles, plus de sens et plus de bonheur.
p. 79
Pas de parti, pas de gangue. [...]
Je voulais dire « gangue » au féminin,
mais « gang »au masculin, ça marche aussi.
Le droit à la paresse au XXIe siècle.
Chapitre 8 — Rebonjour paresse
p. 87
Que la droite ait été, de tout temps,
contre la réduction du temps de travail, cela peut se comprendre
si l'on se souvient que la droite en France n'est pas
ou quasiment pas libérale au sens économique du terme :
elle est simplement conservatrice.
Là où la main invisible d'Adam Smith ou le néoclassicisme
de Milton Friedman pourraient postuler que la durée légale du travail
est fixée en fonction des besoins réels de la société
(et donc, avec des taux de chômage élevés, une productivité forte
et une valeur ajoutée extrême, que mécaniquement
cette durée doit diminuer), la droite française,
forte du souvenir des seigneurs décidant des horaires de leurs serfs
à rebours de toute cohérence de productivité,
impose que les travailleurs français soient rivés
à leur poste de travail le plus longtemps possible,
afin qu'ils se souviennent qu'ils ne sont pas libres
(le salariat ayant simplement remplacé le servage).
4 novembre 2020, J − 522
pp. 132-133
Vous vous souvenez de la candidature de Coluche, en 1981 ?
Il s'était lancé comme un farceur, justement, et au bout d'un moment
il s'est rendu compte que beaucoup de gens comptaient sur lui. [...]
Ça suffit de faire semblant, de faire comme si on était un pays joyeux,
apaisé, alors qu'on est un pays paumé, un pays déprimé.
Un pays où les classes moyennes se sentent pauvres,
les pauvres se sentent exclus,
et les exclus ne savenet même plus qu'ils existent. [...]
Pour reprendre ce que Coluche disait sur les hommes politiques
qui le prenaient pour un imbécile, moi je pense que les clowns
ce sont ceux qui font comme si de rien n'était.
Ils ont leur petit nez rouge et nous disent Croissance !
Travail ! Start-up ! Moi je dis simplement,
décroissance, temps libre, bénévolat.
12 mars 2021, J − 394
p. 252
— [...] vos propositions sont tout de même extrémistes...
Émilien sourit.
— Cher monsieur, souvenez-vous de l'arrivée du covid.
On nous disait que confiner une région de Chine c'était de la folie :
on l'a fait pour notre pays entier.
Jusqu'alors, on nous disait que dépasser les 3 % de déficit
c'était dangereux : est à 11 %.
On nous expliquait que demander que l'État intervienne
dans les affaires économiques était une aberration :
on a monté un plan de relance à 100 milliards d'euros
d'un coup de cuiller à pot. Il faut se méfier des étiquettes de folie,
d'absurdité, d'extrémisme : ce peut être tout simplement
de bonnes idées qui font peur. Moi j'essaie de regarder la peur
en face : or le monde actuel fait peur, il court à sa perte,
13 % des Français sont sous antidépresseurs,
10 % sont asthmatiques à cause de la pollution,
15 % sont obèses. Mon hypothèse, et je ne suis pas le seul
à la défendre, c'est que si on diminue le travail à quinze heures
par semaine, tous ces indicateurs vont évoluer dans le bon sens.
31 mars 2022, J − 10
pp. 313-314
Je sais bien qu'il restera des riches et des pauvres,
des rapides et des lents, des gros et des maigres, mais le bien public,
ce qu'on appelle « les communs », tout le monde
pourra en profiter : la vue des étoiles dans le ciel le soir,
parce qu'on n'est pas obligés de se lever à cinq heures
le lendemain matin ; le vent dans les arbres
parce qu'on a décidé de consacrer son après-midi à une promenade
en forêt ; le chant des oiseaux, simplement parce qu'on s'arrête
et qu'on les écoute.
19 avril 2022 (débat télévisé du 2e tour)
pp. 349-350
— Qu'appelez-vous ruiner la France ?
Serait-ce empoisonner ses cours d'eau, ses nappes phréatiques,
qui nous permettent de boire ?
Serait-ce appauvrir ses terres en leur imposant des rendements délirants,
des millions d'hectares de maïs destinés à nourrir des animaux
qui surprotéinent nos repas, affaiblissant notre santé ?
Serait-ce couper ses arbres et ses haies, ceux-là mêmes
qui empêchent l'érosion des sols et accueillent le petit gibier
si nécessaire à la biodiversité ?
Serait-ce polluer l'atmosphère et nos aliments,
à coups de gaz carbonique et de pesticides ?
Serait-ce tuer tous les insectes sans lesquels nos fruits,
nos légumes, nos fleurs, ne seront plus pollinisés ?
Serait-ce couvrir de béton tout notre sol,
remplacer nos forêts par des centres commerciaux ?
Serait-ce laisser des familles entières, sous prétexte
qu'elles n'ont pas de titre de séjour, vivre dans des tentes
aux abords des villes ?
Serait-ce creuser le déficit de l'assurance-maladie en remboursant
des millions de cachets d'anxiolytiques alors que les alternatives
naturelles, largement plus efficaces, yoga, méditation, plantes,
ne sont pas remboursées ? Serait-ce conserver un système
éducatif privé inégalitaire, dont les enseignants sont payés
par le budget de l'État ?
Serait-ce permettre aux riches de ne pas payer le moindre impôt
par une série de dispositifs légaux d'évasion fiscale ?
À mon sens, c'est ça, ruiner la France.
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