Je me suis laissé guider par le point de vue d'un potentiel d'auto-organisation sociale inscrit dans la sphère publique politique et je m'intéressais aux répercutions que ces processus complexes conduisant à l'État social et au capitalisme organisé avaient produites dans les sociétés occidentales, en ce qui concerne :p. XV
- la sphère privée et les bases sociales de l'autonomie privée
- la structure de la sphère publique, ainsi que de la composition et du comportement du public, et enfin
- le processus de légitimation de la démocratie de masse elle-même.
Le thème central de la seconde moitié de l'ouvrage est consacré aux transformations structurelles de la sphère publique elle-même du fait de l'interpénétration de l'État et de la Société.p. XIX
Dans le dernier chapitre du livre, j'avais tenté de réunir les deux aspects : le diagnostic empirique du déclin de la sphère publique libérale et le point de vue normatif d'un « rattrapage » démocratique radical et d'une reconversion de l'interpénétration fonctionnelle de l'État et de la société qui se déroule objectivement quasiment au-dessus des têtes des participants. Ces deux aspects se reflètent respectivement dans les conceptualisations opposées de l'opinion publique. Dans la théorie normative de la démocratie, l'opinion publique, comme fiction de l'État constitutionnel, conserve son aspect d'unicité dans sa dimension contrefactuelle. En revanche, dans les analyses empiriques de la recherche sur les médias et de la sociologie de la communication, cette entité s'est dissoute depuis longtemps.p. XXV
« ...la loi est le résultat de la délibération générale et non pas l'expression de la volonté générale »
Bernard Manin
Le domaine intime, déjà dépouillé de sa nature privée, est sapé par des éléments de caractère public ; une pseudo-Publicité privée de son caractère littéraire, en est réduite à n'être plus que l'espace où une sorte de super-famille retrouve un climat, non plus d'intimité, mais de simple promiscuité.
p. 188
Le rapport originel, si clairement souligné chez Kant, entre la sphère publique politique et le règne de la loi s'effondre puisqu'il se situe à mi-chemin entre ces deux conceptions récentes. La transformation subie par la structure de la loi se révèle dans le fait que ce n'est plus au principe de Publicité qu'incombe la tâche de rationaliser la domination politique. Certes au sein d'une sphère publique immensément élargie, il est fait appel incomparablement plus souvent et sous de bien plus nombreux aspects à un public vassalisé requis aux fins plébicitaires d'une acclamation ; mais ce dernier reste en même temps si éloigné des procédures d'exercice et de rééquilibrage des pouvoirs qu'il est désormais à peine possible d'attendre du principe de Publicité une rationalisation de ces processus, et encore moins qu'il s'en porte garant.
[...] l'idiolecte de Habermas fait « travailler » le sens de publizistisch, qui au cours de ce chapitre, subit une évolution parallèle au propos dont il est le thème : sa connotation, au départ neutre, s'infléchit peu à peu pour devenir nettement « péjorative » et désigner le caractère plébicitaire et ostentatoire que confèrent aux media les manipulations publicitaires de toute sorte et de toute provenance. Cette évolution accompagne, en quelque sorte résumée par la distortion sémantique opérée sur un même terme, l'évolution socio-historique qui conduit de la Publizität (que nous traduisons par Publicité) en tant que principe, et auquel correspond un public de personnes privées, à la Publizität (que nous traduisons par « Publicité ») en tant que réclame, et à quoi correspond un marché de consommateurs.