p. 9
[...] la lecture du Parti-pris des choses apparaît souvent comme une oscillation inquiète entre l'objet et le mot, comme si l'on ne savait plus très bien, pour finir, si c'est le mot qui est l'objet ou l'objet qui est le mot.
p. 36
Aussi bien ne s'agit-il pas seulement de nommer, mais de faire un poème. Par là, Ponge entend un ouvrage assez particulier et qui exclut rigoureusement le lyrisme : après les tatonnements et les approximations qui lui ont livré les noms et les adjectifs qui conviendront à la chose, il faut les ramasser en une totalité synthétique et de telle manière que l'organisation même du Verbe en cette totalité rende exactement le surgissement de la chose dans le monde et son articulation intérieure.
p. 37
[...] « du moins par un pétrissage, un primordial irrespect des mots, etc..., devra-t-on donner l'impression d'un nouvel idiome qui produira l'effet de surprise et de nouveauté des objets de sensation eux-mêmes ».
Et ce poème, précisément à cause de l'unité profonde des mots en lui, à cause de sa structure synthétique et de l'agglutinement de toutes ses parties, ne sera pas simple copie de la chose mais chose lui-même.
p. 55
Et s'il faut marquer d'abord que son désir de produire des poèmes-choses s'est presqu'entièrement réalisé, il convient aussi de reconnaître qu'il a échoué dans sa tentative de donner « par un pétrissage, un primordial irrespect des mots, l'impression d'un nouvel idiome qui produira l'effet de surprise et de nouveauté des objets de sensation eux-mêmes ».
p. 67
Il n'a pas été fidèle à son propos : il est venu aux choses, non pas, comme il prétendait le faire, avec un étonnement naïf mais avec un parti pris matérialiste.
p. 69
J'ai noté ailleurs que le désir de chacun de nous est d'exister avec sa conscience entière sur le mode de la chose. Être tout entier conscience et à la fois tout entier pierre. À ce rêve, le matérialisme donne une satisfaction de principe puisqu'il dit à l'homme que je suis qu'il n'est qu'une mécanique.
p. 70
Cet effort pour se voir par les yeux d'une espèce étrangère, pour se reposer du devoir douloureux d'être sujet, nous l'avons déjà rencontré cent fois, sous des formes différentes, chez Bataille, chez Blanchot, chez les surréalistes.
Note 1
Il représente une des conséquences de la Mort de Dieu. Tant que Dieu vivait, l'homme était tranquille : il se savait regardé. Aujourd'hui qu'il est seul Dieu et que son regard fait éclore toute chose, il tord le cou pour essayer de se voir.