Fragments d'un discours amoureux
Roland Barthes
Tel Quel, Le Seuil, 1977
Les lunettes noires
p. 54
5. Je suis menteur, non comédien
« Je veux comprendre »
p. 71
1. Qu'est-ce que je pense de l'amour ?
— En somme, je n'en pense rien.
Je voudrais bien savoir ce que c'est, mais,
étant dedans, je le vois en existence, non en essence.
« Que faire ? »
p. 76
Si l'autre m'a donné ce nouveau numéro de téléphone,
de quoi était-ce le signe ?
[...] Tout signifie :
par cette proposition, je me prends,
je me lie dans le calcul, je m'empêche de jouir.
« Quand mon doigt par mégarde... »
p. 81
[...] la région paradisiaque des signes subtils et clandestins :
comme une fête, non des sens, mais du sens.
Inexprimable amour
p. 114-115
[...] je ne sais pas que le mot « souffrance »
n'exprime aucune souffrance et que, par conséquent, l'employer,
non seulement c'est ne rien communiquer, mais encore, très vite,
c'est agacer (sans parler du ridicule).
Il faudrait que quelqu'un m'apprenne
qu'on ne peut pas écrire
sans faire le deuil de sa « sincérité »
(toujours le mythe d'Orphée : ne pas se retourner).
L'Inconnaissable
p. 162
[...] l'autre n'est pas à connaître ;
son opacité n'est nullement l'écran d'un secret,
mais plutôt une sorte d'évidence [...]
L'obscène de l'amour
p. 209
[...] ce n'est plus le sexuel qui est indécent,
c'est le sentimental — censuré au nom de ce qui n'est,
au fond, qu'une autre morale.
Le potin
p. 219
L'autre n'est pour moi ni il ni elle ;
il n'a que son propre nom, son nom propre.
Le troisième pronom est un pronom méchant :
c'est le pronom de la non-personne, il absente, il annule.
Philo
Marc Girod