Percevoir, concevoir, imaginer, tels sont en effet les trois types de conscience par lesquels un même objet peut nous être donné.
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Lorsque par contre, je pense au cube par un concept concret, je pense ses six côtés et ses huit angles [sic] à la fois; je pense que ses angles sont droits, ses côtés carrés. Je suis au centre de mon idée, je la saisis tout entière d'un coup. Cela ne veut naturellement pas dire que mon idée n'ait pas besoin de se compléter par un progrès infini. Mais je puis penser les essences concrètes en un seul acte de conscience; je n'ai pas à rétablir d'apparences, ja n'ai pas d'apprentissage à faire. Telle est sans doute la différence la plus nette entre la pensée et la perception. Voilà pourquoi nous ne pourrons jamais percevoir une pensée ni penser une perception. Il s'agit de phénomènes radicalement distincts : l'un, savoir conscient de lui-même, qui se place d'un coup au centre de l'objet, l'autre, unité synthétique d'une multiplicité d'apparences, qui fait lentement son apprentissage.
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[L]'objet de la perception déborde constament la conscience; l'objet de l'image n'est jamais rien de plus que la conscience qu'on en a [...]
Toute conscience est conscience de quelque chose.
Si je perçois Pierre sur la photo, c'est que je l'y mets.[Références à Husserl, James, Bergson ]
[...] l'image est une signification dégradée, descendue sur le plan de l'intuition.
Il ne faudrait pas croire que ces lignes se donnent à moi d'abord, dans la perception, comme des lignes pures et simples, pour se donner ensuite, dans l'attitude imagée, comme les éléments d'une représentation. Dans la perception même, les traits se donnent comme représentatifs.
Ce n'est pas le déterminisme, c'est le fatalisme qui est l'envers de la liberté.
Le lien entre mon amour et la personne aimée n'est au fond pour Proust et pour ses disciples qu'un lien de contiguïté.
[...] l'image et la perception, loin d'être deux facteurs psychiques élémentaires de qualité semblable et qui entreraient simplement dans des combinaisons différentes, représentent les deux grandes attitudes irréductibles de la conscience. Il s'ensuit qu'elles s'excluent l'une l'autre.
[Le réel est toujours imprévisible] Non pas tant parce que, comme on a coutume de dire, on prévoit le futur avec du passé : cet argument ne valait guère que contre l'ancienne conception des images. Mais plutôt parce qu'on prévoit le réel avec l'irréel, c'est-à-dire ce dont la richesse est infinie, par le moyen de schèmes d'une pauvreté essentielle.
[L']absence de principe, [le] néant essentiel de l'objet imagé suffit à le différencier des objets de la perception. Que doit donc être une conscience pour qu'elle puisse successivement poser des objets réels et des objets imagés ?