Histoire de la folie à l'âge classique

Michel Foucault, 1972
Tel, Gallimard, 2003

Première partie

Chapitre II — Le grand renfermement

p. 84

Désormais, la misère n'est plus prise dans une dialectique de l'humiliation et de la gloire&mdsh;; mais dans un certain rapport du désordre à l'ordre qui l'enferme dans la culpabilité.

p. 88

On a l'habitude de dire que le fou du Moyen Âge était considéré comme un personnage sacré parce que possédé. Rien de plus faux. S'il était sacré, c'est avant tout que, pour la charité médiévale, il participait aux pouvoirs obscurs de la misère.

p. 91

Au moment où Henri IV reprend le siège de Paris, la ville, qui a moins de 100 000 habitants, compte plus de 30 000 mendiants.

Chapitre III — Le monde correctionnaire

p. 121

Le thème d'une parenté entre médecine et morale est aussi vieux sans doute que la médecine grecque. Mais si le XVIIe siècle et l'ordre de la raison chrétienne l'ont inscrit dans leurs institutions, c'est sous la forme la moins grecque qui soit : sous la forme de la répression, de la contrainte, de l'obligation à faire son salut.

Chapitre IV — Expériences de la folie

[sujet de droit et homme social]

p. 172

[...] c'est sur le fond d'une expérience juridique de l'aliénation que s'est constituée la science médicale des maladies mentales..

p. 178

[...] deux expériences de l'aliénation, l'une qui concerne l'être tombé dans la puissance de l'Autre [...], la seconde qui concerne l'individu devenu Autre [...]

Deuxième partie

Chapitre II — La transcendance du délire

p. 273

L'interrogation sur le partage du corps et de l'âme n'est pas née du fond de la médecine classique : c'est un problème importé à une date assez récente, et décalé à partir d'une intention philosophique.

Chapitre III — Figures de la folie

III Hystérie et hypochondrie

p. 357

Stahl opte plutôt pour un alourdissement du sang, qui devient à la fois si abondant et si épais qu'il n'est plus capable de circuler régulièrement à travers la veine porte ; il a tendance à y stagner et s'y engorger [...] Pour Boerhaave au contraire et Van Swieten, le mouvement hystérique est dû à une trop grande mobilité de tous les fluides, qu'ils prennent une telle légèreté, une telle inconsistance, qu'ils sont troublés par le moindre mouvement [...]

p. 371

Tissot explique que l'enfant est plus sensible que tout autre parce que tout en lui est plus léger et plus mobile.

Chapitre IV — Médecins et malades

p. 379

Assez vite l'usage des végétaux et des sels sera réinterprété dans une pharmacopée de style rationaliste, et mis dans un rapport discursif avec les troubles de l'organisme qu'il est censé guérir. Il y eut portant à l'âge classique un secteur de résistance&mdsh;: et c'est le domaine de la folie.

2° La purification

p. 391

Denis tente [la transfusion] sur un de ses malades, atteint de mélancolie amoureuse ; il prélève 10 onces de sang, qu'il remplace par une quantité légèrement moindre tirée de l'artère fémorale d'un veau [...] Le malade se calme ; dès le jour suivant, son esprit s'était clarifié ; et il était bientôt entièrement guéri ; « tous les professeurs de l'École de Chirurgie le confirmèrent ».

p. 395

En tant qu'acide, le vinaigre dissipe les obstructions [...] Mais en application externe, il peut servir de révulsif [...] Chose curieuse, mais bien caractéristique de la pensée thérapeutique de cette époque, on ne reconnaît pas de contradiction entre les deux modalités d'action.

3° Le retour à l'immédiat

pp. 426-427

[...] on retrouve [...] la rigueur d'un sens. Le retour à l'immédiat n'a d'efficacité contre la déraison que dans la mesure où il s'agit d'un immédiat amménagé [...] un immédiat où la nature est médiatisée par la morale. [...] la folie [...] sera tout entière dans une pathologie. [...] réduction de l'expérience classique de la déraison à une perception strictement morale de la folie, qui servira secrètement de noyau à toutes les conceptions que le XIXe siècle fera valoir, par la suite, comme scientifiques, positives et expérimentales.

À l'âge classique, inutile de chercher à distinguer les thérapeutiques physiques et les médications psychologiques. Pour la simple raison que la psychologie n'existe pas.

Troisième partie

Chapitre II — Le nouveau partage

p. 523

[...] tout ce qui enveloppait jadis la folie se délabre : le cercle de la misère, celui de la déraison se défont l'un de l'autre.

Chapitre IV — Naissance de l'asile

[Tuke et Pinel]

p. 606

La victoire de la raison sur la déraison n'était assurée autrement que par la force matérielle, et dans une sorte de combat réel. Maintenant le combat est toujours déjà joué. [...] L'absence de contrainte dans les asiles du XIXe siècle n'est pas déraison libérée mais folie depuis longtemps maîtrisée.

Philo
Marc Girod