La nouvelle alliance


Métamorphose de la science
Ilya Prigogine et Isabelle Stengers
Folio essais - Gallimard 1979 (2e édition 1986)

Préface à la seconde édition, p 7

« Il n'y aura pas deux Newton, car il n'y avait qu'un seul monde à découvrir »
[Laplace]

p 11

L'état attracteur lie la stabilité à l'oubli des perturbations.

Introduction - Métamorphose de la science, p 50, note 1

Sauf à revenir au monde des magiciens ; il n'est pas sans signification que l'idée de savoir optimalement secret, contre laquelle les sciences modernes se constituèrent, réapparaisse, alors qu'en physique comme en biologie, nous pouvons obtenir de la nature des effets démesurés. Contre les alchimistes et les magiciens, les scientifiques ingénieurs de l'époque moderne nièrent cette possibilité, nièrent que les manipulations de la nature puisse produire autre chose que des effets proportionnels à ce que nous y investissons d'action causale.

p 51

[Les hommes] ont besoin d'une science qui ne soit ni un simple instrument soumis à des priorités qui lui seraient extérieures, ni un corps étranger qui se développerait au sein d'une société-substrat et n'aurait aucun compte à rendre.

Livre premier - Le mirage de l'universel : la science classique
Chapitre premier - Le projet de la science moderne
3. La synthèse newtonienne, p 76

Pour Galilée, la question « pourquoi », prioritaire pour les aristotéliciens, doit être exclue de la science.

5. Le mythe aux origines de la science, p 81

Il est possible que cette conviction [la science est capable de découvrir la vérité globale de la nature], qui vient doubler la méthode expérimentale et l'inspira en partie, ait été nécessaire à la science moderne en ses débuts.

p 84

Les scientifiques chinois étaient des fonctionnaires soumis aux règles de la bureaucratie, serviteurs d'un état dont l'objectif premier était de maintenir la stabilité et l'ordre. La boussole, l'imprimerie, la poudre, qui allaient contribuer à détruire les fondements de la société médiévale et à lancer l'Europe dans l'ère moderne, furent découvertes bien plus tôt en Chine, mais jamais ces inventions n'y déployèrent les mêmes effets déstabilisants.

Chapitre III, Les deux cultures
3. Une philosophie de la nature ? p 161

La nature, objet de science, est aussi ce qui produit les hommes capables de science.
Nier le temps, c'est-à-dire le réduire au déploiement déterministe d'une loi réversible, c'est renoncer à la possibilité d'une conception de la nature qui la définisse comme capable de produire les êtres vivants et, singulièrement, l'homme ; c'est donc se condamner à l'alternative entre une philosophie anti-scientifique et une science aliénante.

Livre II - La science du complexe
Chapitre IV, l'énergie et l'ère industrielle
1. La chaleur, rivale de la gravitation, p 166

En cette année [1811], où les laplaciens triomphent et dominent la science européenne, le baron Jean-Joseph Fourier, préfet de l'Isère, remporte le prix de l'Académie pour son traitement théorique de la propagation de la chaleur dans les solides.

2. Le principe de conservation de l'énergie, p 173

En 1847, un pas décisif est finalement franchi par Joule : la connexion entre la chimie, la science de la chaleur, l'électricité, le magnétisme et la biologie est interprétée comme une conversion.

4. Le principe de Bolzmann, p 200

Carnot et Darwin peuvent-ils avoir raison en même temps ?

Chapitre V - Les trois stades de la thermodynamique
3. La thermodynamique non-linéaire, p 216

[Cellules de Bénard - L]a dissipation d'énergie et de matière [...] devient, loin de l'équilibre, source d'ordre ; la dissipation est à l'origine de ce qu'on peut bien appeler de nouveaux états de la matière.

4. La rencontre avec la biologie moléculaire, p 222

[C]ontrairement à la plupart des doctrines de l'émergence qui, comme nous le faisons, soulignaient la nouveauté qualitative du tout par rapport aux parties, cette « émergence » d'un comportement supermoléculaire ne transcende en rien les méthodes de la science quantitative.

6. Histoire et bifurcations, p 229

[Brusselator] On peut parler de « choix » du système, non pas à cause d'une quelconque liberté « subjective », mais parce que la fluctuation est précisément ce qui, de l'activité intrinsèque du système, échappe irréductiblement au contrôle par les conditions limites, ce qui traduit la différence d'échelle entre le système comme « tout », sur lequel on peut agir et que l'on peut définir, et les processus élémentaires dont la multitude désordonnée constitue l'activité de ce tout.

Chapitre VI - L'ordre par fluctuation
1. La loi des grands nombres, p 241

[L]a construction d'un nid [de termites] constitue une de ces activités cohérentes qui ont mené certains à invoquer une « âme collective » à propos des communautés d'insectes. Pour échapper à la difficulté réelle que traduit mais dissimule ce type d'invocation, il faudrait montrer que les termites n'ont besoin que d'une information restreinte pour participer à la construction d'un édifice énorme et complexe comme la termitière.

4. Hasard et nécessité, p 264

L'homme dans sa singularité n'était certainement ni appelé, ni attendu par le monde ; en revanche, si nous assimilons la vie à un phénomène d'auto-organisation de la matière évoluant vers des états de plus en plus complexes, alors, dans des circonstances bien déterminées et qui ne semblent pas d'une rareté exceptionnelle, la vie, elle, est prévisible dans l'Univers, y constitue un phénomène aussi « naturel » que la chute des corps graves.

Chapitre VIII - Le renouvellement de la science contemporaine
1. Au-delà de la simplicité du microscopique, p 294

Sans doute le spectacle de la stabilité du mouvement des astres, l'observation et le calcul de leur retour périodique, toujours à la même place, ont été l'une des plus anciennes sources d'inspiration de ce projet qui est celui de la science classique : trouver la stabilité comme vérité du changement.

2. La fin de l'universalité : la relativité, p 299

Le fait que la relativité se fonde sur une contrainte qui ne vaut que pour des observateurs physiques, pour des êtres qui ne peuvent être qu'en un seul point à la fois et non partout simultanément, fait de cette discipline une physique humaine.

Chapitre IX - Vers la synthèse du simple et du complexe
3. Des fluctuations au devenir, p 342

Nous sommes maintenant en face de deux concepts du temps : le temps trajectoire, celui que nous lisons sur nos montres, extérieur à notre organisme et à toute chose naturelle, et qui nous sert à mesurer et à communiquer ; et d'autre part le temps interne, celui qui, dans le cas du boulanger, se mesure au degré de fragmentation des partitions et qui, dans le cas d'organismes vivants, pourrait sans doute se rapprocher de ce qu'on vise sous le concept d'« âge biologique ».

Conclusion
5. Une science ouverte, p 384

Le scientifique n'est pas voué à se comporter comme un somnambule kuhnien ; il peut, sans renoncer pour autant à être un scientifique, prendre l'initiative, chercher à intégrer dans les sciences des perspectives et des questions nouvelles.

Appendice II -- Nouvelles voies du dialogue avec la nature, p 422

Carnot et Clausius jugèrent les processus physico-chimiques au nom de l'idéal rationnel que constitue l'échange réversible. Cette démarche, nous l'avons dit, n'est pas une méthode, mais un pari.

p 432

[L]es sciences n'ont [...] pas d'autre limite que celle de la créativité humaine. Elles ne sont pas contrainte fatale à laquelle il faudrait nous soumettre, mais contraintes productrices d'un sens que nous ne cessons de créer, et que nous pouvons créer de telle sorte que ce ne soit pas contre elles mais avec elles que se construisent les voies nouvelles du dialogue entre les hommes et avec le monde qu'ils habitent.

Essays
Philo ToC
Marc Girod
Last modified: Sat Sep 14 18:28:50 EETDST 2002