Le deuxième sexe

de Simone de Beauvoir
idées NRF, Gallimard 1949

Tome 1 : Les faits et les mythes

Introduction

p. 17
Lévi-Strauss : « Le passage de l'état de Nature à l'état de Culture se définit par l'aptitude de la part de l'homme à penser les relations biologiques sous la forme de systèmes d'opposition : la dualité, l'alternance, l'opposition et la symétrie [...] »

Première partie : Destin

Chapitre 1 : Les données de la biologie

p. 50
[E]lle est de toutes les femelles mammifères celle qui est le plus profondément aliénée, et celle qui refuse le plus violemment cette aliénation.

p. 73

C'est parce que l'homme est transcendance et ambition qu'il projète à travers tout nouvel outil de nouvelles exigences : quand il a eu inventé les instruments de bronze, il ne s'est plus contenté d'exploiter les jardins, il a voulu défricher et cultiver de vastes champs : ce n'est pas du bronze lui-même qu'a jailli cette volonté.

Deuxième partie : Histoire

p. 155
Par l'insémination artificielle s'achève l'évolution qui permettra à l'humanité de maîtriser la fonction reproductrice. En particulier ces changements ont pour la femme une immense importance ; elle peut réduire le nombre de ses grossesses, les intégrer rationnellement à sa vie au lieu d'en être l'esclave. À son tour la femme au cours du XIXe s'affranchit de la nature ; elle conquiert la maîtrise de son corps. Soustraite en très grande partie aux servitudes de la reproduction elle peut assumer le rôle économique qui se propose à elle et qui lui assurera la conquête de sa personne toute entière.

p. 158

...une doctoresse en droit qui prétend s'inscrire au barreau...

p. 171

[C]'est le régime social fondé sur la propriété privée qui a entraîné la tutelle de la femme mariée.

Troisième partie : Mythes

p. 190
[Eve] est son complément sur le mode de l'inessentiel.

p. 193

[L]'Autre c'est le Mal ; mais nécessaire au Bien, il retourne au Bien ; c'est par lui que j'accède au Tout, mais c'est lui qui m'en sépare[.]

pp. 232-233

La répugnance du christianisme pour le corps féminin est telle qu'il consent à vouer son Dieu à une mort ignominieuse mais qu'il lui épargne la souillure de la naissance.

[...] Les premiers pères de l'Église —Origène, Tertullien, Jérôme— pensaient que Marie avait accouché dans le sang et l'ordure comme les autres femmes ; mais c'est l'opinion de saint Ambroise et de saint Augustin qui prévaut.

p. 237

[Marie] est la figure inversée d'Eve la pécheresse [...]
C'est comme mère que la femme était redoutable ; c'est dans la maternité qu'il faut la transfigurer et l'asservir. La virginité de Marie a surtout une valeur négative.

Quatrième partie : Formation

Chapitre 1 : Enfance

p. 285
On ne naît pas femme : on le devient.

p. 305

La fille est pour la mère à la fois son double et une autre, à la fois la mère la chérie impérieusement et elle lui est hostile ; elle impose à l'enfant sa propre destinée : c'est une manière de revendiquer orgueilleusement sa féminité, et une manière aussi de se venger. On trouve le même processus chez les pédérastes, les joueurs, les drogués, chez tous ceux qui à la fois se flattent d'appartenir à une certaine confrérie et en sont humiliés.

p. 310

« C'est déjà une petite femme », disent ses parents et on estime parfois qu'elle est plus précoce que le garçon : en vérité si elle est plus proche du stade adulte c'est que ce stade demeure traditionnellement chez la majorité des femmes plus infantile.

p. 362

Elle souhaite et redoute, à la fois, la honteuse passivité de la proie consentante.

Chapitre 2 : La jeune fille

p. 382
Toute affirmation d'elle-même diminue sa féminité et ses chances de séduction.

p. 416

Électre de Giraudoux et Antigone d'Anouilh.

p. 425

« Vous mourez toutes à 15 ans », écrit Diderot à Sophie Volland.

Chapitre 3 : L'initiation sexuelle

p. 463
« Faire jouir l'autre », dit Stekel, « cela veut dire le dominer. »

Tome 2

p. 5
À moitié victimes, à moitié complices, comme tout le monde
Jean-Paul Sartre

Première partie : Situation

Chapitre 1 : La femme mariée

p. 37-38
La séparation du social et de l'animal engendre nécessairement l'obscénité.[...]
Il y a un paradoxe obscène dans la superposition d'une cérémonie pompeuse à une fonction animale d'une brutale réalité. Le mariage expose sa signification universelle et abstraite [...] mais dans le secret du lit ce sont des individus concrets et singuliers qui s'affrontent [...]

p. 76

Le travail que la femme effectue à l'intérieur du foyer ne lui confère pas une autonomie ; il n'est pas directement utile à la collectivité, il ne débouche pas sur l'avenir, il ne produit rien.

p. 116

Les hommes [...] exagèrent à plaisir l'importance de l'influence exercée par les femmes ; au fond il savent fort bien qu'ils mentent. Georgette Le Blanc fut dupe de cette mystification quand elle exigea de Maeterlink qu'il inscrivît leurs deux noms sur le livre qu'ils avaient, croyait-elle, écrit ensemble ; dans la Préface dont il fit précéder les Souvenirs de la cantatrice, Grasset lui explique sans ménagement que tout homme est prompt à saluer dans la femme qui partage sa vie une associée, une inspiratrice, mais qu'il n'en regarde pas moins son travail comme n'appartenant qu'à lui ; avec raison.

Chapitre 2 : la mère

p. 178
Tous ces exemples suffisent à montrer qu'il n'existe pas d'« instinct » maternel : le mot ne s'applique en aucun cas à l'espèce humaine.

Chapitre 3 : la vie de société

p. 225
[Les hommes] communiquent entre eux en tant qu'individus à travers les idées, les projets qui leur sont personnels ; les femmes, enfermées dans la généralité de leur destin de femmes, sont unies par une sorte de complicité immanente.

Chapitre 4 : prostituées et hétaïres

Chapitre 5 : de la maturité à la vieillesse

Chapitre 6 : situation et caractère de la femme

p. 308
Le lot de la femme, c'est l'obéissance et le respect. Elle n'a pas de prise, même en pensée, sur cette réalité qui l'investit. C'est à ses yeux une présence opaque. En effet, elle ne fait pas l'apprentissage des techniques qui lui permettraient de dominer la matière ; quant à elle, ce n'est pas avec la matière qu'elle est aux prises, mais avec la vie, et celle-ci ne se laisse pas maîtriser par les outils : on ne peut qu'en subir les lois secrètes. Le monde n'apparait pas à la femme comme un « ensemble d'ustensiles » intermédiaire entre sa volonté et ses fins, comme le définit Heidegger : il est au contraire une résistance têtue, indomptable ; il est dominé par la fatalité et traversé de mystérieux caprices.

p. 309

Il est facile de comprendre pourquoi elle est routinière ; le temps n'a pas pour elle une dimension de nouveauté, ce n'est pas un jaillissement créateur ; parce qu'elle est vouée à la répétition, elle ne voit dans l'avenir qu'un duplicata du passé.

p. 319

[S]on attitude est une constante récrimination. [...] Un individu libre ne s'en prend qu'à soi de ses échecs, il les assume : mais c'est par autrui que tout arrive à la femme, c'est autrui qui est responsable de ses malheurs. Son désespoir furieux récuse tous les remèdes [.] Elle veut vivre sa situation précisément comme elle la vit : dans une colère impuissante.

p. 320

[E]lle s'estime mystifiée ; elle met tout l'univers masculin en accusation ; la rancune est l'envers de la dépendence : quand on donne tout on ne reçoit jamais assez en retour.

p. 321

[L]a femme cherche un responsable contre qui elle puisse plus concrètement s'indigner : le mari est une victime d'élection.

p. 322

[E]lle veut avoir sous la main l'homme qu'elle hait pour le faire payer.

p. 323

Il juge ce procédé déloyal : mais elle estime que la lutte est déloyale dès le départ parce qu'on ne lui a mis en main aucune arme efficace. [...] Et le fait que ses sanglots exaspèrent le mâle lui fournit une raison de plus pour s'y précipiter.

p. 327

Il y a toute une région de l'expérience humaine que le mâle choisit délibérément d'ignorer parce qu'il échoue à la penser : cette expérience, la femme la vit.

Deuxième partie : justifications

Chapitre 1 : la narcissiste

Chapitre 2 : l'amoureuse

p. 377
Un être voué à l'immanence ne saurait se réaliser dans des actes.

p. 401

Le don devient exigence selon l'ordinaire dialectique du dévouement.

Chapitre 3 : la mystique

p. 420
Quand Angèle de Foligno devient tour à tour : « pâle et sèche » ou « grasse et rubiconde » [...] on ne peut guère considérer ces phénomènes comme purement « spirituels », mais les expliquer seulement par son excessive « émotivité » c'est invoquer la vertu dormitive du pavot ; le corps n'est jamais la cause des expérience subjectives puisqu'il est sous sa figure objective le sujet lui-même : celui-ci vit ses attitudes dans l'unité de son existence.

p. 426

Sur les 321 stigmatisés que compte l'Église catholique, il y a 47 hommes seulement ; les autres [...] ce sont des femmes, qui ont en moyenne dépassé l'âge de la ménopause.

Troisième partie : vers la libération

Chapitre 1 : la femme indépendante

Conclusion

p. 482
Ni les hommes ni les femmes ne sont aujourd'hui satisfaits les uns des autres.

Philosophie,
Essais
Marc Girod
Last modified: Sat Jan 4 11:55:37 EET 2003