p. 14, note 1
L'expression [démocratie représentative] apparaît pour la première fois sous la plume de Hamilton [...] dans une lettre [...] du 19 mai 1777.
p. 18
Dans la démocratie, le peuple n'a plus de forme : il perd toute densité corporelle et devient positivement nombre, c'est-à-dire force composée d'égaux, d'individualités purement équivalentes sous le règne de la loi.
p. 122
À quelques années d'intervalle, il est ainsi frappant de constater que la France et l'Angleterre illustrent deux philosophies opposées de la représentation. Alors que les républicains français de 1864 s'opposent vigoureusement aux candidatures ouvrières, c'est au contraire la reconnaissance de la légitimité d'une représentation de classe qui fonde la réforme électorale outre-Manche. [1867]
pp. 190-191
« On a jusqu'ici confondu le vote représentatif et le vote délibératif, note [Victor Considerant 1834-1844] ; deux choses qui se ressemblent comme le jour et la nuit. Dans une assemblée dont la fonction est de délibérer et de prendre des mesures, la majorité doit prononcer si telle mesure sera acceptée ou rejetée : c'est très bien. Dans ce cas, on va aux voix et la majorité l'emporte. Mais quand le vote a pour objet d'obtenir la représentation des votants, il est évident que si l'on réunit dans des collèges, au hasard, des hommes de toutes sortes d'opinions, et que l'on aille aux voix dans chaque collège, ces opinions diverses luttent les unes contre les autres, se paralysent, et dans le pêle-mêle, les minorités ne sont aucunement représentées. »
p. 219
À l'aube du XXe siècle, l'instauration d'une compétition régulière entre des partis organisés va dessiner un nouvel horizon à l'impératif démocratique. À rebours de l'utopie première d'une expression immédiate de la volonté générale par un peuple unanime, elle a d'abord rendu possible une pratique ordinaire de la souveraineté du nombre.
p. 335
C'était clairement admettre que le système de la représentation politique se révélait incapable d'exprimer les besoins et les demandes de toute une partie de la population, et qu'il fallait donc le compléter.
p. 341
[Ces formes d'administration consultative] ont apporté une réponse au moins partielle aux limites de l'universalisme démocratique, tout particulièrement dans le contexte français où ni la démocratie pluraliste des intérêts, à l'américaine, ni la représentation des classes, à l'allemande, ne pouvaient constituer des formes légitimes d'expression de la société.
p. 425
La rupture électorale de 1981, loin de colmater la brèche en redonnant toute sa force au clivage entre la droite et la gauche, a au contraire accentué la crise de l'identification politique. En entraînant dès 1983 la domination de fait d'une culture politique essentiellement gestionnaire, la victoire électorale de la gauche a paradoxalement accéléré la désociologisation de la politique. L'apprentissage brutal du réalisme qui s'est alors opéré a conduit à une liquéfaction des représentations de l'avenir, à un blocage de l'imagination, à une perte d'orientation.
p. 468, note 1
Norberto Bobbio décrit six « espérances brisées » de la démocratie qui traduisent l'écart advenu entre la réalité et les principes initiaux : le développement d'une société pluraliste (alors que la vision initiale était celle d'une société unitaire) ; la force reconnue comme légitime des intérêts particuliers (contre la suprématie absolue d'un intérêt général indécomposable) ; la limitation et la spécialisation du champ d'application des principes démocratiques (à l'encontre de la vision d'une universalisation de ces principes à tous les champs de la vie sociale) ; la rémanence des formes de pouvoir invisible (opposé à l'utopie première de la transparence) ; l'existence de citoyens peu éduqués (à l'inverse de l'attente d'un citoyen rationnel et soucieux du bien public).
p. 470
L'écriture de l'histoire ne se sépare plus de l'action pour l'infléchir.