Le Nouvel Esprit du Capitalisme


Luc Boltanski, Ève Chiapello
NRF Essais, Gallimard, 1999

4e page de couverture

Le capitalisme prospère ; la société se dégrade. La croissance du profit s'accompagne de celle de l'exclusion. La véritable crise n'est pas celle du capitalisme, mais celle de la critique du capitalisme.

Introduction générale. De l'esprit du capitalisme et du rôle de la critique

p. 35
[Idéologie :] un ensemble de croyances partagées, inscrites dans les institutions, engagées dans des actions et par là ancrées dans le réel.

1. L'esprit du capitalisme

Une définition minimale du capitalisme

p. 37
[...] une accumulation illimitée de capital par des moyens formellement pacifiques

La nécessité d'un esprit pour le capitalisme

p. 41
Le capitalisme est, à bien des égards, un système absurde : les salariés y ont perdu la propriété du résultat de leur travail et la possibilité de mener une vie active hors de la subordination. Quant aux capitalistes, ils se trouvent enchaînés à un processus sans fin et insatiable, totalement abstrait et dissocié de la satisfaction de besoins de consommation, seraient-ils de luxe.

p. 42

Les psychologues du travail ont ainsi mis régulièrement en évidence l'insuffisance de la rémunération pour susciter l'engagement [...]
Nous appelons esprit du capitalisme l'idéologie qui justifie l'engagement dans le capitalisme.
Il connaît actuellement une crise importante, dont témoignent le désarroi et le scepticisme social grandissant [...]

2. Le capitalisme et ses critiques

Les formes historiques de la critique du capitalisme

p. 82
[...] les sources d'indignation [...] sont essentiellement de quatre ordres :
a) le capitalisme source de désenchantement et d'inauthenticité des objets, des personnes, des sentiments et, plus généralement, du genre de vie qui lui est associé ;
b) le capitalisme source d'oppression, en tant qu'il s'oppose à la liberté, à l'autonomie et à la créativité [...] ;
c) le capitalisme source de misère chez les travailleurs et d'inégalités d'une ampleur inconnue dans le passé ;
d) le capitalisme, source d'opportunisme et d'égoïsme qui, en favorisant les seuls intérêts particuliers, se révèle destructeur des liens sociaux et des solidarités communautaires [...]

Première partie. L'émergence d'une nouvelle configuration idéologique

I Le discours de management des années 90

2. L'évolution de la problématique du management des années 60 aux années 90

Les années 90 : vers un modèle de l'entreprise en réseau
p. 127
Dans cette optique, les cadres hiérarchiques ne sont que des travailleurs improductifs.

II La formation de la cité par projets

2. L'originalité de la cité par projets

Par rapport à la cité inspirée
p. 192
Par rapport à la cité marchande
pp. 193-198
Le premier aspect est celui du temps. Tandis que la transaction purement marchande est ponctuelle et ignore le temps, la mise en réseau des collaborations et des échanges suppose l'instauration [...] de relations qui [...] possèdent [...] un caractère durable. [...]
Un deuxième aspect est celui de la transparence. Tandis que le marché est supposé transparent pour que les prix puissent se former, les réseaux ne sont connaissables que de proche en proche. Personne n'est en mesure de les totaliser [...]
Le troisième aspect [..] concerne les relations personnelles. Tandis que le marché fonctionne de façon anonyme [...] l'exploitation de la forme réseau suppose la capacité à établir et à stabiliser des relations d'interdépendance et de confiance sur le long terme. [...]
Un quatrième aspect concerne la qualification des produits qui rentrent dans les transactions. [...] dans un monde connexionniste, le produit est transformé par la relation.
Par rapport à la cité du renom
p. 198
Par rapport à la cité domestique
p. 199
Par rapport à la cité industrielle
p. 203

Deuxième partie. Les transformations du capitalisme et le désarmement de la critique

III 1968. Crise et renouveau du capitalisme

1. Les années critiques

La désorganisation de la production
Note 8, p. 691
Le mouvement de protestation dans les entreprises à la fin des années 60 et au début des années 70 touche la plupart des pays d'Europe occidentale.

Troisième partie. Le nouvel esprit du capitalisme et les nouvelles foormes de la critique

VI Le renouveau de la critique sociale

1. Le réveil de la critique sociale : de l'exclusion à l'exploitation

Des classes sociales à l'exclusion
p. 425
L'exploitation était d'abord une exploitation par le travail. Or la notion d'exclusion désigne prioritairement des formes diverses d'éloignement de la sphère des relations de travail.
Des difficultés de l'exclusion comme concept critique
p. 436
[...] c'est précisément ce lien entre la misère et la faute ou, plus exactement, entre la misère et des propriétés personnelles facilement transformables en facteurs de responsabilité individuelle, que la notion de classe et surtout celle de prolétariat étaient parvenues à briser.
L'exclusion se présente donc comme un destin (contre lequel il faut lutter), non comme le résultat d'une asymétrie sociale dont certains hommes tireraient profit au détriment d'autres hommes.
L'exploitation des immobiles par les mobiles à l'épreuve
p. 456
La mobilité de l'exploiteur a pour contrepartie la flexibilité de l'exploité.
p. 459
Les rapports d'exploitation fondés sur des différentiels de mobilité apparaissent donc innombrables.

2. Vers des dispositifs de justice connexionnistes ?

Éléments d'une grammaire générale de l'exploitation
p. 464
[...] la maxime « Le bonheur des grands profite au bonheur des petits » peut être vue comme une idéologie, au sens marxiste, c'est-à-dire au sens d'une illusion servant des intérêts qui inverse la représentation de ce qui se passe, en réalité, et par là dissimule la réalité.
De nouveaux cadres pour recenser les contributions
p. 475
Cette dissimulation [des réseaux de fournisseurs] a éte favorisée [...] par la diffusion des nouvelles théories économiques de l'entreprise [...] qui, assimilant l'entreprise à un réseau de contrats, dissolvent les organisations dans leur environnement marchand.

VII À l'épreuve de la critique artiste

2. Quelle libération ?

La critique du capitalisme en tant que facteur de libération
p. 513
[...] comme dit Marx : « la production ne produit pas seulement un objet pour le sujet, mais aussi un sujet pour l'objet ».
Les deux sens de « libération » sur lesquels joue sa récupération par le capitalisme
p. 521
[« Libération »] peut s'entendre comme délivrance par rapport à une situation d'oppression subie par un peuple, ou comme émancipation par rapport à une forme de détermination susceptible de limiter la définition de soi et l'autoréalisation des individus.

VII À l'épreuve de la critique artiste

3. Quelle authenticité ?

Le néomanagement et les dénonciations de manipulation
p. 557
On demande alors aux individus d'être « loyaux, sincères, enthousiastes », mais en leur faisant subir des pressions telles qu'en fait « ils ressentent de la peur, de la méfiance et de la haine » [...]

p. 558

Mais ils ne peuvent pas non plus, sans risquer de mettre en péril leur estime de soi et leur confiance dans le monde, participer, au moins durablement, de façon parfaitement cynique, sur le mode du faire-semblant [...]

Politique, essais
Marc Girod