Le paysan de Paris

Louis Aragon , 1926
Gallimard Folio, 1953

Préface à une mythologie moderne

p. 11
L'erreur s'accompagne de certitude. L'erreur s'impose par l'évidence.

Le sentiment de la nature aux Buttes-Chaumont

IV

p. 152
Le monde me vient peu à peu à la conscience, et par moments. Ce qui ne veut point dire qu'il m'est donné. Je me le suis donné par un point de départ que je lui ai choisi, comme le mathématicien son postulat initial. De moi naît sa nécessité.

pp. 234-235
L'idée de Dieu [note 1 : idée dégoûtante et vulgaire] est un mécanisme psychologique. Ce ne saurait en aucun cas être un principre métaphysique. Elle mesure une incapacité de l'esprit, elle ne saurait être le principe de son efficience.
De là à conclure à l'impossibilité de la métaphysique, il n'y a qu'un pas pour un esprit vulgaire [...] C'est que pour eux, Dieu est l'objet de la métaphysique. Si l'on ne peut, soutiennent-ils avec une apparence de bonheur, atteindre par la métaphysique à l'idée dont elle fait son objet, c'est que l'esprit doit se l'interdire.

p. 236

Les idéalistes avaient aperçu que la métaphysique n'est pas l'aboutissement de la philosophie, mais son fondement, et que rien ne la distingue de la logique. Il y a dans ce second point une acception de synonymie qui est inacceptable. Si la logique est la science des lois de la connaissance, et si ces lois sont incompréhensibles en dehors de la métaphysique, à quoi je souscris, il ne s'en suit pas que ces lois soient la métaphysique, mais évidemment que la métaphysique étant la science de l'objet de la connaissance ce n'est qu'en elle que la logique exerce et développe ces lois. Je me ferai mieux entendre en disant que la logique a pour objet la connaissance abstraite, et la métaphysique la connaissance concrète. [...] il ne saurait y avoir de logique de la notion ni de métaphysique de l'être. [...] seules ces conceptions, filles des erreurs mêmes que les idéalistes combataient, ont entraîné Hegel à cette conception qu'il nomme La Science de l'Essence, qui est un intermédiaire inutile, qui lui permet de passer de la logique à la métaphysique, alors qu'il les a primitivement mêlées.

p. 244

[...] le fait n'est point dans l'objet, mais dans le sujet : le fait n'existe qu'en fonction du temps, c'est-à-dire du langage.

p. 245

Il n'y a de connaissance que du particulier.
Il n'y a de poésie que du concret.

p. 248

La réalité, c'est l'absence apparente de contradiction.
Le merveilleux, c'est la contradiction qui apparaît dans le réel.

Marc Girod