Michel Tournier, 2002
folio, Gallimard, 2004
[Contexte non enregistré]
L'oral et l'écrit. La majorité des hommes à ce jour est analphabète. Il n'en résulte évidemment pas qu'ils soient incultes. Leur culture passe par la voie orale que la radio, la télévision et le cinéma ont prodigieusement enrichie. J'ai eu connaissance à Calcutta d'un usage admirable. Il faut rappeler que l'Inde a une production cinématographique considérable, mais qui ne sort pas des frontières. Les Indiens en raffolent. Les enfants dont les bandes peuplent les rues n'ont pas l'argent des billets. Ils se cotisent pour envoyer l'un d'eux voir le film. Ils choississent le plus malin, le plus disert. Sa mission est redoutable, car il doit ensuite raconter au cercle de ses camarades le film dans tous ses détails et répondre à leur questions. Merveilleuse récupération du cinéma par l'art immémoral des conteurs.
p. 58
Rembrand (1606-1669) et Spinoza (1632-1677) ont habité ensemble un temps le ghetto d'Amsterdam. À coup sûr ils se sont croisés... et très probablement ignorés, chacun totalement aveugle au rayonnement éclatant de l'autre.
p. 64
« J'ai compris ce que c'est que l'obscurité, dit l'aveugle. C'est quand tu ne me touches plus. »
p. 98
Je suis avant tout un conteur et je m'exprime mieux de vive voix devant un public que seul la plume à la main.
p. 104
C'est ainsi donc que j'apparais, ambigu, pervers, gai et brillant. Tout sauf rassurant et franc du collier. [...] je ne sais pas donner de moi l'image que j'aimerais donner.
p. 176
« Si on s'inquiète de ce que j'ai voulu dire dans tel poème, écrit Valéry, je réponds que je n'ai pas voulu dire, mais voulu faire [...] »
p. 233
Les Grecs distinguaient trois parties en l'homme : le Noûs (raison), le Thumos (coeur), l'Epithumetikon (désir). La grande affaire -- oubliée pendant des siècles -- c'est ce Thumos [...]
p. 250
J.-S. Bach a introduit l'usage du pouce chez les clavecinistes et les pianistes. Avant lui on ne jouait qu'avec quatre doigts.