Les Français ne possèdent pas d’équivalent du mot « Heimat » [...]
« Heimat » n’a pour moi rien qui oblige à l’identité ou qui exigerait des liens du sang : c’est plutôt un opérateur qui permet de saisir à nouveau, existentiellement, pour soi ou pour les autres, ce que veut dire appartenir à un lieu concret.
[N]ous subissons une crise générale de perte de soi et de sol. C’est ce sentiment de déréliction que le psychiatre Glenn Albrecht a capté par le mot solastalgia. [...] La solastagia c’est d’avoir le mal du pays, sans avoir émigré ; le mal du pays, en quelque sorte, dans son pays (homesickness at home). C’est l’effet le plus radical de ce que j’appelle le Nouveau Régime Climatique : la crise climatique, la disparition généralisée des espèces, la stérilisation des paysages, nous rend fous.
[A]ujourd’hui des peuples privés de terre cherchent à venir s’installer auprès de gens qui se sentent, eux aussi, privés de terre, sans avoir pour autant bougé de chez eux.Ce qui donne à cette crise universelle son caractère tragique, c’est que les deux solutions traditionnelles, tous les analystes le reconnaissent, ne résolvent rien.
La première que l’on pourrait appeler « globaliste » consiste à convaincre les citoyens de continuer à aller de l’avant [...] Le problème c’est que pour être « citoyen du monde », il faut qu’il y ait un monde en état de marche [...]
La deuxième solution est bien connue [...] Les « néo-nationalistes » cherchent un sol, eux aussi [...] Ce qui explique d’ailleurs la rage avec laquelle ce projet d’enfermement est partout défendu. Il n’a pas d’autre contenu que l’identité et cette identité n’a pas d’autre contenu que l’hostilité contre les autres [...]
[L]es sentiments de bonheur et de liberté associés au sol dépendent de la possibilité de faire coïncider ce dont on vit, ce qui permet de subsister, avec ce que l’on peut se représenter.